Article très intéressant pour ceux qui adopteront un chien ayant survécu à la fourrière mouroir...
Vox Canis - Comportement du chien
7 November 2021 ·
LA FOURRIÈRE ‘MOUROIR’ EN ROUMANIE
Vous avez certainement déjà entendu parler des fourrières publiques roumaines, dans lesquelles de nombreux chiens séjournent avant d’être adoptés en France. Pour moi, ce terme a pris tout son sens hier. Je vais vous décrire ce que j’ai vu lors d'une visite dans l'une de ces fourrières, mais je vous préviens, c’est très difficile.
Nous nous sommes rendues dans l’une des fourrières publiques de Bucarest, gérée par l’ASPA. À l’entrée, nous sommes accueillies par le directeur, qui nous donne quelques chiffres avant de nous faire visiter les chenils. Il y a actuellement 660 chiens, ils ne pratiquent plus l’euthanasie depuis 2017 et les adoptions se comptent sur les doigts d’une main. Il y a une dizaine de travailleurs, pour nettoyer les enclos et nourrir les chiens. Il est conscient et admet que beaucoup des chiens ont des troubles du comportement sévères, mais ils n’ont pas la possibilité de travailler avec eux. Au fil de nos conversations, il m’explique que la seule solution qui permettrait de réduire l’afflux de chiens dans ces refuges est la stérilisation. Selon lui, beaucoup des chiens des rues appartiennent à des gens qui ne devraient pas les laisser divaguer.
Après ces quelques explications, il nous propose d’aller dans la section des chiens agressifs. Nous traversons un grand couloir, avec des bureaux de chaque côté. Le bâtiment est vétuste, mais très propre, comme toutes les autres parties de la fourrière que nous visiterons. Nous traversons un autre bâtiment avec plusieurs rangées de chenils aux parois en métal dans lesquels se trouvent des chiens. Il y a des fenêtres, mais la lumière ne passe pas partout et certains chenils sont très sombres. Nous passons une porte pour accéder à l’extérieur, où nous faisons face à des rangées de cages qui font à peine deux mètres carré. Chacune contient un chien et une niche. Nous y passons une vingtaine de minutes durant lesquels les aboiements ne cesseront pas. Beaucoup de ces chiens sont agressifs, apeurés et certains expriment des comportements stéréotypés. Une angoisse et un sentiment d’impuissance m’envahissent à ce moment-là, car je ne peux m’empêcher de penser que la majorité de ces chiens finiront leur vie dans ces minuscules cages. Ils ne connaitront plus jamais le plaisir de courir – ou simplement, de marcher et explorer.
Nous visitons ensuite les autres bâtiments qui contiennent des enclos aux parois en métal, totalement opaques. Les chiens ont vue sur le plafond et sur ce qui passe derrière la petite grille de la porte. Ils sont entourés par quatre parois, un sol en carrelage avec une grille d’évacuation qui le traverse, un panier ou une plateforme en bois et des gamelles. Là aussi, il y a de nombreux chiens agressifs ; l’un d’entre eux surgit derrière la lucarne grillagée de la porte, toutes dents dehors et avec la gueule mousseuse. Certains paniquent en nous apercevant par la lucarne, ils cherchent à fuir par tous les moyens, mais c’est impossible. Au milieu de ça, il y a des chiens sociables, encore connectés à la réalité, qui viennent chercher le contact. Leurs cris sont déchirants lorsqu’on s’éloigne de leur box. Parfois, la lucarne dévoile une vision des plus tristes ; des chiens sont prostrés dans un coin du box, le regard vide. Ils sont totalement brisés.
Les plus chanceux sont à l’extérieur, dans de plus grands enclos où ils sont plusieurs, avec plus d’espace et surtout, un peu de stimulation. Ils peuvent observer ce qu’il se passe autour, jouer ensemble et prendre des bains de soleil.
La question du bien-être animal est plus que critique car ces chiens ne sortent JAMAIS de leurs cages ou enclos. Ils n’ont pas de jouets, pas d’activités d’enrichissement, très peu de stimulation sensorielle – et aucun moyen de répondre aux besoins comportementaux normaux de l’espèce. Ils n’ont pas beaucoup d’options ; dormir, tourner en rond, s’arracher les griffes ou tenter de détruire les barreaux/parois de leurs cages. Ils n’ont pas beaucoup de contact avec les humains, même si j’ai pu observer une travailleuse qui caressait la tête d’un chien pendant qu’elle nettoyait sa cage.
Pour certains, c’est le vide total ; ils sont isolés, sans congénère, entre quatre murs opaques en métal. Beaucoup (si ce n’est la majorité) d’entre eux sont dans un état de stress intense. A plusieurs moments, je frôle la crise d'angoisse. Il y a une telle souffrance dans cet endroit, je suis profondément meurtrie par ces scènes qui défilent devant moi.
Si encore l’attente de ces chiens était de courte durée. Non, certains chiens sont là depuis 2017 et ils ne sortiront jamais. Les adoptions par des roumains sont très rares. Leur seul espoir est qu’une association étrangère ou un refuge privé les sortent de là. Quant aux propriétaires qui viennent récupérer leur animal capturé, il y en a eu 2 sur tout le mois d’octobre. Ces animaux sont apportés par les ‘dog catchers’ (les attrapeurs de chiens) qui les capturent dans la rue, mais il y a aussi des gens qui viennent abandonner leur animal.
L’ennui, le vide, l’enfermement, l’isolement ; c’est un environnement totalement annihilant. Ce qu’on leur fait subir est effroyable. Et pourtant, on m’explique que c’est loin d’être la pire des fourrières. Je ne peux que saluer le travail de toutes les associations qui sortent les chiens de ces mouroirs. Dans ce moment d’horreur, elles étaient mon seul réconfort. Quelques associations locales sortent des chiens de cette fourrière, mais elle manque cruellement de partenariats avec des associations étrangères.
Quoi qu'il en soit, j’espère que la situation changera vite. Il y a encore tellement de travail pour faire évoluer les mentalités, pour faire bouger le gouvernement roumain (et l’Union Européenne) et surtout, pour traiter la question du bien-être animal ! Nourrir et donner un abri à un chien n’est pas suffisant, si c’est pour vivre une vie dans l’enfermement et l’isolement.
J'ai volontairement mis les images les plus difficiles à la fin de l'album. Ames sensibles, s’abstenir.
Source :
https://www.facebook.com/voxcanis/posts/la-fourri%C3%A8re-mouroir-en-roumanie-vous-avez-certainement-d%C3%A9j%C3%A0-entendu-parler-des-/1639174126422251/?locale=ms_MY